- La Japonaise du train couchette -

Contrairement à toutes les autres cabines, la mienne baignait dans l'obscurité. Je montais sur ma couchette en hauteur, assis en tailleur, j'attendais.

Le signal de départ retentissait, une petite japonaise montait l'échelle pour rejoindre la couchette en face de la mienne. c'est à ce moment là que la lumière fut. Une lumière forte, éblouissante, à laquelle personne ne s'attendait, toujours sur l'échelle, me regardant, elle s'est mise à rire et sourire de surprise.

Si j'ai su qu'elle était japonaise, c'était tout d'abord à cause de son prénom inscrit sur sa valise, et aussi en regardant les cahiers et livres qu'elle lisait, destinés aux japonais apprenant le français.

Installée sur sa couchette, elle changeait souvent de position ; la plus confortable semblait celle sur le ventre, c'était aussi la plus belle à regarder, le genre de position qui donne envide de dessiner, le genre de situation qui fait penser qu'un dieu existe.

C'est peut être tout simplement ça Dieu, une personnification du hasard ; d'où le fait que certains y croient et d'autres, pas. Personne ne se poserait la question de son existence, si chacun considérait qu'il pourrait être son propre Dieu.
 J'ai eu énormément de plaisir à la dessiner, oui, c'était presque divin, surtout lorsque, parfois, au gré de ses mouvements, on pouvait apercevoir une minuscule parcelle de peau se découvrir au niveau de ses reins, un cache-cache sensuel se dévorant avec les yeux.

J'avais envie de partager mon plaisir avec elle, tout du moins lui laisser une trace, au lieu de condamner ce dessin à mourir étouffé entre les pages de mon carnet.

Armé de mon petit couteau suisse, je découpais la page, la tamponnait avec mon sceau, puis écrivais au dos, en japonais, quelques phrase simples, signant de mon vrai nom, lui épargnant ainsi le fardeau de l'inconnu qui vous offre des fleurs.

Mon train arrivait à destination, Yumiko s'était endormie dans la position dans laquelle je l'avais dessinée.
Avant de franchir la porte de la cabine une dernière fois, je déposais mon dessin sur son cahier grand ouvert.

Une fois sur le quai, à travers la fenêtre, je jetais un dernier regard vers elle, toujours endormie.
En imaginant sa surprise découvrant mon dessin, je suis parti.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire